L’EBENE.
- L’ébène est le bois de l’ébénier,
dont la provenance africaine est reconnaissable entre mille. Ce bois est connu
pour être le plus noir existant, et aussi pour son extrême densité… plus d’une
tonne au mètre cube. Il coule donc lorsqu’il est plongé dans l’eau.
Ce bois provient des pays
d’Afrique Centrale, comme le Gabon, le Congo, le Cameroun, le Nigeria, ou
encore Madagascar. Je ne peux pas vous dire s’il existe des différences sonores
entre les différentes provenances, je ne les connais pas s’il y en a. Je sais
par contre que l’ébène du Gabon et celui du Congo sont tous deux excellents.
C’est un bois précieux, au grain
fin, et très droit de fil. Il est luisant une fois coupé, très lisse, ce pour
quoi il est tant apprécié sur les touches des guitares électriques, parce qu’il
est très doux au toucher, très glissant, et absorbe très bien les choc
occasionnés par le jeu normal sur l’instrument. Il rend donc le jeu très
agréable, et accroît l’endurance de la main. Sa couleur « jet
black », comme disent les américains, le rend très agréable à l’œil, donne
un très beau fini, et produit un très beau contraste avec les incrustations,
notamment en abalone, ou Mother of Pearl…
Il faut prendre garde cependant à
le garder un peu gras, parce qu’il devient fragile si on ne l’entretient pas
pendant longtemps. Nombreuses sont les personnes qui apportent en catastrophe
leur guitare chez un luthier parce que la touche a éclaté… C’est toujours parce
qu’elle n’a pas été huilée pendant des années. Ainsi, pour conserver le lustre,
l’aspect, les qualités tactiles et mécaniques de ce très beau bois, appliquez
tous les trimestres, voire plus souvent si vous jouez beaucoup, de l’huile pour
teck. Cette huile est ce que l’on trouve de mieux pour nourrir un bois ;
c’est bien mieux que le lemon oil.
Au-delà même de l’entretient, qui
doit être assez régulier et soigneux, c’est un bois qui est loin d’être facile
à travailler. Bien évidemment très dur, il est aussi fragile lors de la
fabrication d’un manche ; et il a une certaine tendance à gercer. Aussi,
c’est un bois qui bouge beaucoup, par rapport à l’ébène de Macassar, ou bien
encore par rapport au palissandre, qui lui, au contraire, bouge très peu. Il
faut donc être précautionneux quand à la manière et l’endroit où l’on entrepose
son instrument. Il faut éviter de le placer à un endroit où de forts écarts de
températures peuvent se produire (notamment en été, si votre pièce est exposée
au soleil, il est important de conserver sa guitare dans un endroit tempéré).
Sans quoi, le manche peut très vite se dérégler, et dans des proportions
parfois importantes, qui nécessitent de refrapper les frettes qui ont pu sortir
quelque peu de leur logement. (Cette précaution est à prendre quelque soit
l’instrument, mais je la
recommande d’autant plus lorsque l’on a une touche en ébène.)
Ce bois est, dans le domaine de
la guitare, quasi exclusivement employé pour fabriquer des touches (c’est ce
qu’il faut utiliser pour des basses fretless par exemple) ; mais on peut
le trouver pour des chevalets ou des sillets de guitares acoustiques.
Contrairement à du palissandre, l’ébène est un bois qui est très efficace pour
relever le spectre de la guitare, en focalisant les hauts médiums. Il est donc très intéressant à utiliser
avec des guitares aux bois chauds, qui descendent bas dans le spectre. Notez
qu’une Les Paul Junior est faite avec un corps et un manche en acajou, et une
touche en ébène. C’est une combinaison qui marche très bien, et procure un son
rond, chaud et gras, sans manquer de définition dans les hauts médiums et les
aigus. Associé à de l’érable, pour le manche et la table, il rend un résultat
percutant et dynamique dans les fréquences qu’il occupe, et adoucie le haut du
spectre en lui donnant une touche lisse et nette, non pas agressive. Donc comme
toujours, il s’agit de choisir ce bois dans un but bien précis, afin de rendre
un résultat harmonieux avec le reste des essences avec lesquelles on l’associe.
C’est un bois très onéreux, qui
n’est d’ailleurs quasiment plus utilisé sur les guitares fabriquées selon des
méthodes industrielles, et même dans nombre de Custom Shop de grands luthiers.
L’ébénier est un arbre protégé, compte tenu de l’exploitation démesurée que
l’on en a fait, pour fabriquer des meubles, des objets en tous genres. Ceci dit,
il n’est pas impossible à trouver. C’est en tout cas beaucoup plus simple que
l’acajou du Brésil ou du Honduras.
Voici une photo d’une planche
d’ébène :
- L’autre ébène de plus en plus
employé pour fabriquer des touches de guitares arrive d’Indonésie. Ce bois est
nommé Ebène de Macassar, désignant ainsi sa région d’exploitation, sur l’Ile de
Bornéo. Il ne faut pas le confondre avec l’ébène africain, car ses
caractéristiques, esthétiques, mécaniques, sonores, sont assez différentes. Sa
teinte n’est pas du tout la même, mélangeant des lignes noires, avec d’autres
brunes.
L’ébène de Macassar est moins
dense, facile à travailler et très droit de fil ; il jouit d’une plus
grande stabilité sur le manche d’une guitare. Pensez cependant toujours à le
huiler régulièrement, c’est aussi un bois huileux. Il est aussi très agréable
au toucher, quoiqu’un peu différent de l’ébène du Congo. Il sonne un peu moins
haut médiums, un peu plus gras et chaud que le bois de provenance africaine
(grosso modo, du plus haut médium au plus bas médium, vous avez l’ébène
centrafricain, l’ébène indonésien, le pao ferro, le palissandre ; je ne
vous raconte pas tous les palissandres qu’il y a de surcroît). Ce bois procure
donc un son un peu moins tranchant, qu’il est intéressant d’utiliser sur un
manche en érable très ondé par exemple, qui, parce qu’il est ondé, est aussi
plus dense, et va sonner un peu plus haut dans le spectre. Donc, toujours par
un souci de complémentarité sonore, ces deux bois associés donnent un très bon
résultat. De plus, son aspect marbré est tout à fait intéressant pour donner à
votre instrument une apparence originale et élégante. C’est un excellent bois
de lutherie qui a aussi l’intérêt d’être beaucoup moins onéreux que l’ébène
centrafricain (mais à quel prix cependant, puisque les Indonésiens sont en
train de décimer littéralement leurs forêt, les considérant simplement comme
une manne économique). C’est aussi la raison pour laquelle on commence à en
voir un peu partout, à la place de l’ébène noir, notamment en menuiserie, et
même en bijouterie…
Merci de votre lecture, et n'hésitez pas à laisser des commentaires.
Super article. Très instructif. J'ai une guitare avec une touche en ébène de Macassar. La touche est teintée en noire pour donner l'aspect ébène africain. En jouant sur ma guitare assez longtemps 2h environs, je me suis aperçus que la teinte se fixait sur mes doigts. Du coup j'ai la touche qui est plus claire par endroits. Est-ce possible de le teinter ? Ou la teinte s'en ira encore avec le jeu et le temps ? Que dois-je appliquer pour entretenir la touche sans abimer la teinte noire ? Merci.
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