jeudi 31 octobre 2013

L'érable utilisé en lutherie de guitare électrique.


L’ERABLE : les différents érables utilisés en lutherie pour guitare électrique, leurs différences esthétiques et  sonores.


Il existe beaucoup d’érables différents utilisés en lutherie, selon qu’on l’utilise pour construire un manche ou un table, voire un corps mais c’est plutôt rare. On aime particulièrement l’érable pour les figures qu’il peut posséder, soit simple (blanc sans figure), ou bien ondé, flammé, moucheté (bird eyes), pommelé (le fameux ‘quilted maple’), et d’autres encore, comme le spalted maple (qui n’est autre chose qu’un hard rock maple qu’on a laissé se dégrader par la moisissure et l’humidité et qui a été chauffé après), ou le burled maple. Ce qui prime généralement dans le choix de tel ou tel érable, c’est l’aspect esthétique. Certes, et cela, je ne cesse de le dire, une très bonne guitare doit aussi être très belle, mais il faut aussi comprendre que le choix de tel érable conditionne aussi une bonne partie du son, dans la mesure où les figures du bois rendent compte de différence de densités, qui jouent sur la résonance du bois, les fréquences auxquelles il va répondre le mieux.
Je vais tenter de parler de quelques uns des différents érables que l’on utilise en lutherie pour guitare électrique. Il existe cependant un très grand nombre d'érables référencé en taxinomie.

L’érable, d'une façon très générale, est un bois moyennement dense, selon que l’on prenne un érable sycomore (européen, autour de 610 kg/m3), un érable à sucre (Canada, autour de 720 kg/m3),  ou encore un érable américain courant, dont la densité se situe vers 540 kg/m3. Il est très résistant à la flexion, et c’est surtout pour cette raison qu’il est apprécié pour les manches de guitares, puisqu’il demeure stable malgré les forces qui s’exercent sur lui. [Je me vois dans l’obligation d’ajouter une note importante sur la question de la densité du bois, qui vaut pour toutes les essences dont je vous parle. Lorsqu’un bois est dit avoir une densité moyenne de 600 ou 700 kg/m3, il faut bien considérer qu’il s’agit d’une densité moyenne, qui vaut pour un bloc de bois d’1m3. Par conséquent, dans ce bloc de bois, les coupes que l’on effectue pour obtenir des corps, des tables, des manches ou des touches de guitares, peuvent très bien se situer à des densités très différentes de la densité moyenne, soit en dessous, soit au dessus. Dès lors, alors que l’épicéa que l’on utilise pour construire des tables d’harmonies de guitares acoustiques connaît une densité de 700kg/m3 environ, vous pouvez posséder une guitare dont la table a une densité d’environ 0.5 (ce qui est largement en dessous), ou bien au contraire de 1.1 (ce qui est considérablement au dessus de la densité moyenne). Imaginez alors les différences sonores entre deux guitares identiques, mais dont les tables d’harmonies font chacune 0.5 et 1.1 de densité. Telle est la raison pour laquelle on dit toujours que deux guitares sont différentes, même si en principe, elles sont identiques en ce qui concerne le choix des bois et la facture.]

D’une manière générale, l’érable sonne très médium ; et il est surtout marqué par un creux très franc au niveau des bas médiums (les fréquences les plus basses d’une guitare). Il ne faut donc pas croire ceux qui vont vous dire qu’une guitare avec un corps en aulne, une table et un manche en érable ondé, va restituer des basses profondes et chaleureuses… C’est techniquement impossible, à moins de compenser à outrance sur l’ampli et les effets (ce qui n’a pas d’intérêt pour nous dans la mesure où nous partons du postulat que le signal de départ, qu’est la guitare, doit être excellent, pour que le son global le soit aussi). Mais une telle guitare en elle-même ne peut donner un tel résultat. Il y a tout simplement beaucoup trop d’érable pour que cela soit possible, et l’aulne ne descend pas assez bas (et monte trop haut) pour compenser.
Pour ce qui est du son, chaque érable a sa petite spécificité. Ceci est dû au fait que les figures du bois sont produites par des augmentations de densité aux endroits où le bois est plus sombre. Vous devez vous demander comment ces ondes se produisent… En fait, il n’existe pas particulièrement de variété d’érables ondés ou flammés. Les ondes de l’érable (comme celle de tous les arbres qui ont des ondes : contemplez par exemple le frêne ondé qu’a employé Arnaud Quérey pour la Telecaster Bleue), sont produites par des mouvements latéraux des arbres, lorsqu’ils sont en bordure de bois ou de forêts, et qu’ils sont battus par les vents. Ces mouvements latéraux produisent des tassements plus ou moins réguliers du bois sur lui-même, et ainsi, augmentent sa densité à l’endroit de ces tassements. Cela se produit aussi à cause de l’âge de arbre, qui par sa taille imposante, en vient à se tasser sur lui-même. Quoi qu’il en soit, ces figures sont du plus bel effet esthétique.
Il ne faut pas négliger l’importance de ces ondes dans le choix d’un bois. Gardez à l’esprit que c’est avant tout le son qui prime sur l’esthétique, et qu’il faut chercher tant que faire ce peut, de combiner les deux ensembles pour que votre instrument soit le plus beau et le plus original possible. Mais selon les bois que l’on souhaite avoir, pour un corps par exemple, il vaudra mieux choisir un érable tout simple pour le manche, plutôt qu’un érable ondé, même s’il peut être très beau, ceci parce qu’il se situera à des niveaux de densités relativement faibles. Je pense à cela notamment si l’on souhaite avoir un corps en aulne ou en frêne. Coupé sur dosse, l’érable va résonner davantage à des fréquences plus basses qu’un érable ondé coupé sur quartier, ce qui va équilibrer le spectre général de la guitare. De même pour la table, le choix d’un érable simple n’est certes pas très esthétique, mais si l’on souhaite avoir une guitare peinte en entier, rien ne sert d’une part d’aller chercher un érable pommelé (ça va de soit, non ?), mais aussi, cela va obliger à repenser quelque peu la proportion table/dos du corps, ou alors à choisir une touche en ébène, à la place du palissandre que vous imaginiez avoir, tout cela afin d’obtenir une réponse équilibrée sur tout le spectre de la guitare.

Un érable ondé sonne plus haut dans le spectre du fait qu’il est plus dense, ainsi, il est intéressant de l’utiliser avec des touches en palissandre, en ébène de macassar, en pao ferro, pour contrebalancer. Il vous procurera davantage de percussion dans les notes les plus aigues, et un côté cristallin très recherché. Le haut du spectre de la guitare sera très lisible.
Mais ne croyez pas qu’une guitare aux haut médiums et aigus très ouverts et claquants doive avoir nécessairement un déficit en bas médiums. Chaque bois dans une guitare a sa fonction, et il est absolument possible d’obtenir une restitution très plate (homogène, non pas fade…) du spectre de la guitare. Il faut donc éviter de mettre beaucoup d’érable (manche plus table, ou bien manche conducteur) sur une guitare avec un bois blanc, type aulne ou frêne. L’aulne à lui tout seul suffit, parce qu’il est le bois blanc le plus large bande, et par ailleurs, il sonne très bien. Et privilégiez une touche en palissandre, pour ajouter du bas, plutôt qu’une touche érable (tous les fans de Fender me tapent sur les doigts, je le sais).
Pensez à traiter l’érable pommelé (quilted maple), que l’on n’utilise que pour la table de la guitare, comme une table en érable très ondé, donc très dense. Il est d’ailleurs plus aisé de traiter un pommelé large, plutôt qu’un resserré, parce que sinon, la conception du manche va être compliquée. Et surtout, pensez bien que l’érable est excellent pour une table d’un dos en acajou, en koa (sur le koa, il est très important de trouver un moyen pour ajouter de l’érable, parce que sinon, votre guitare sera très sourde), ou en noyer.


Un érable bird-eyes, c’est une pièce d’érable sélectionnée sur des arbres sur lesquelles on trouve un grand nombre de petites pousses. Les yeux d’oiseaux ne sont rien d’autres que les nœuds provoqués par la pousse de nouvelles branches. Choisi surtout pour son aspect esthétique, qui en effet, peut parfois être vraiment impressionnant, pouvant être ondé en même temps, l’érable bird-eyes à des caractéristiques sonores assez proches de celles d’un érable simple, sa densité étant assez similaire. Etant plus « mou » qu’un érable ondé, son spectre sonore est moins élevé que ce dernier. Il est donc plus intéressant à employé avec une touche en ébène africain, alors que l’on peut tout à fait envisager d’employer du palissandre ou de l’ébène de Macassar si l’on a un manche et une table en érable ondé (d’autant plus si sa densité est vraiment élevée).
L’érable bird eyes est un bois dont la provenance est nord-américaine principalement, tout comme le hard rock maple, que l’on trouve sur nombre de guitares venant du Canada et des Etats-Unis. Mais il est bien difficile de trouver des pièces de birds-eyes qui soit très uniformes et pleines de nœuds partout. Généralement, les nœuds ne sont pas très bien répartis, ce qui peut donner des manches beaux, mais pas uniformes. Les pièces très fournies sont très belles.
On entend souvent que le meilleur des érables est aussi le plus simple, contrairement à un bird-eyes, qui est plus instable. Ce n’est qu’une demi vérité. Il est vrai qu’un érable simple est extrêmement stable du fait qu’il est totalement homogène, que ses veines sont rectilignes, qu’une coupe sur quartier est pour ainsi dire toujours sur quartier sur toute la longueur du manche. Un érable bird-eyes, nécessairement, a des veinures moins rectilignes du fait qu’elles contournent les nœuds du bois (c’est en cela que je le dis plus « mou », ses veines partant régulièrement sur dosse) ; cependant, cela reste un bois très stable, qui, à mon sens, n’a rien a envier à un érable simple (surtout quand on a du carbone dans le manche !). On en trouve peu sur les guitares industrielles parce que c’est un bois plus difficile à travailler du fait que les nœuds sont toujours en contre-fil. La découpe en est donc très peu aisée. C’est la seule raison objective qui fasse qu’un érable simple soit ‘meilleur’ qu’un bird-eyes, mais cela ne tient à qu’à la qualité du luthier auquel vous vous adressez. Et dans la mesure où un manche devrait toujours disposer de renforts en carbone, la question de la rigidité de la pièce de bois devient moins importante.



Vous l’aurez compris, le choix de la bonne pièce d’érable pour la bonne guitare est une chose difficile, qu’un luthier doit savoir bien évidemment faire, mais surtout vous expliquer et vous justifier. C’est surtout le son qui doit primer, donc, s’il faut en passer par choisir un érable blanc, et non pas l’ondé de vos rêves, parce qu’aux vues de l’associations de bois, c’est cet érable qu’il faut choisir et non pas l’ondé, soit vous rester dans cette perspective, soit vous réévaluez l’ensemble du système de bois (parce que c’est bel et bien systématique).

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